•Fin de voyage en Italie
Dans les pas de Pier Paolo Pasolini *, mais à contre-courant, Chantal Vey fait un long voyage en Italie, en trois étapes. En trois chapitres, elle raconte. En trois expositions **, elle mène le voyage à son terme.
Cette histoire est celle d’une artiste qui rencontre une oeuvre celle de Pier Paolo Pasolini (ses films, ses écrits) et qui, à son tour, va littéralement se mettre en oeuvre. Comme lui, elle part seule au volant de sa voiture et traverse les paysages italiens, en dehors de toute imagerie de carte postale. (…) Ce long voyage fait d’un peu plus de trois étés et de milliers de kilomètres, est l’écriture par Chantal Vey de La longue route de sable, soixante ans plus tard.
Elle part avec peu : une camionnette aménagée, une carte annotée, quelques points de chute. Et avec un livre en poche, elle part vivre le monde.
Elle va rencontrer des italiens d’aujourd’hui, le temps d’un échange, quelques heures, quelques mots, quelques endroits aimés et partagés. Et elle poursuit sa route. Elle prend des notes pour tout de suite, pour plus tard : des mots, des images, des vidéos, des sons…
La destination n’est pas si importante. Il n’y a pas de but à atteindre, d’arrivée. Il est surtout question du temps que l’on se donne : la flânerie, l’errance, la lenteur sont les qualités du voyage qui enracinent.
Dans ce rythme lent, on ne visite pas, on vit des instants précieux, fugaces. Il ne faut pas les retenir ; l’image, le son, le mot ne sont que la trace de la chose enfuie.
Le voyage ne s’arrête pas au retour. Il est sans fin. Viendra le temps, pour Chantal Vey de construire l’exposition, de la penser : choisir ce que l’on garde (et peut-être, plus fondamentalement, ce à quoi on renonce), ce que l’on va donner à voir et comment. Mettre en oeuvre, là aussi.
Puis vient le temps de l’errance du spectateur, celui qui pose son regard sur les images suffisamment vides pour qu’il s’y fasse une place, tellement pleines qu’elles le nourriront encore longtemps après son voyage au coeur de l’espace d’exposition.
Sylvie Corroler, directrice de la Fondation pour l’Art Contemporain Espace Ecureuil, Toulouse.
* Pier Paolo Pasolini, La longue route de sable, Aléa, 2004, traduction Anne Bourguignon.
** contro-corrente #1, onomato künstlerverein, Düsseldorf, 2015 / contro-corrente #2, FRAC Grand-Large, Dunkerque, 2016 / contro-corrente #3, Fondation Espace Ecureuil, Toulouse, 2018.